Le Sinope… ocre rouge naturelle (Villanov’art)

Article initialement publié le 10 mars 2008 sur le site disparu Villanov’art

 

José Colombé, Portrait de Emma Perry, sinopia, 2007. Collection Françoise et Brendan Perry, Ireland.
José Colombé, Portrait de Emma Perry, sinopia, 2007. Collection Françoise et Brendan Perry, Ireland.

Ce pigment qui fut intensivement employé depuis la préhistoire est tombé aujourd’hui dans le plus total oubli. Oubli que nous devons au manque de curiosité de la plupart des peintres actuels, anesthésiés par les gros fabricants de matériel pour artistes, très préoccupés de critères de rentabilité.

Le Sinope, aussi appelé sinopis, sinople, sinopia dans le passé, est une terre rouge naturelle qu’on assimile souvent de nos jours, par erreur, à l’ocre rouge qui est, elle, un produit manufacturé issu de la calcination de l’ocre jaune. L’ocre rouge, si belle soit-elle n’a rien de comparable avec l’élégance naturelle du Sinope.

Il tire son nom d’un gisement de grande renommée dans l’antiquité grecque, situé dans la région de Sinope sur le bord de la Mer noire, en actuelle Turquie. Les Romains, eux, se fournissaient surtout en Espagne et en Provence. Selon son lieu d’origine on l’appelle aussi Terra rosa,rouge de Pouzzoles, orangé de Mars, etc…

Cette terre rouge naturelle n’est plus commercialisée que très confidentiellement. Les mines ont fermé les unes après les autres et tous ses substituts sont des oxydes de fer synthétiques dont la fabrication demande moins de main d’oeuvre et de temps. C’est aussi un moyen de calibrer des constantes de teintes ; celles du Sinope sont comme le vin… elles dépendent du terroir (à quand le vin normalisé ?).

Le Sinope a une couleur rouge brique orangé d’une infinité de nuances selon les gisements et les veines ; des teintes d’une grande délicatesse, indestructibles à la lumière et très siccatives. On le tenait en grande estime dans le passé et il fut un composant incontournable des teintes de chair de l’antiquité grecque jusqu’au XVIIIème siècle. Sa présence dans les tableaux anciens est d’ailleurs très facilement décelable : les carnations exécutées au blanc d’argent et au Sinope n’ont pas bougé, celles où on lui a substitué le vermillon se sont beaucoup altérées.

Il est, en toute vraisemblance, le pigment le plus souvent employé par Fragonard pour construire ses ébauches (cf. Fragonard et la technique flamande).

A la Renaissance, le terme Sinopia désignait une détrempe en camaïeu, surtout utilisée pour réaliser les modèles (cartons) des peintures à fresco.

On extrait le Sinope à partir d’un minerai qui contient dans l’absolu environ 10% de pigment et 90% de silice et impuretés diverses. En cherchant bien, on peut encore se le procurer dans quelques petites entreprises du Vaucluse, et on peut l’admirer grandeur nature, sous forme de cathédrales minérales et de canyons… dans le Lubéron.

Il est rappelé qu’il est interdit de prélever le minerai sur les sites.

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