Les Terres vertes (Villanov’art)

Article initialement publié le 21 mars 2008 sur le site disparu Villanov’art

Thomas Wilmer Dewing (1851-1938), The Garland, 1899, huile sur toile, The Thyssen-Bornemisza Collection, Lugano.
Thomas Wilmer Dewing (1851-1938), The Garland, 1899, huile sur toile, The Thyssen-Bornemisza Collection, Lugano.

Nous intitulons cet article « les » Terres vertes car elles proviennent de divers sites d’extraction et présentent différentes tonalités de vert ; tonalités froides des terres deVenetie et de Chypre, tonalités plus chaudes et sourdes des Terres de Bohême et duTyrol. Ces terres sont présentes un peu partout dans le monde. Pour la France, j’en connais un petit gisement en Auvergne et quelques veines en Corse.

La terre la plus connue venait de Venetie, dite Vert, ou Terre de Verone. Ce gisement est épuisé depuis longtemps et l’essentiel de la Terre verte disponible actuellement, sous forme de pigment, provient de Chypre et d’ex-Tchéquoslovaquie. Malheureusement elle est souvent vendue mal lavée, contenant encore beaucoup de silice, ce qui oblige à la laver de nouveau avec une perte d’au moins 50% du produit d’origine, ce qui finit par rendre le kilo de pigment pur très onéreux.

L’usage de la Terre verte semble embarrasser quelques peintres modernes. Il y a plusieurs raisons à cela, soit la Terre verte qu’ils emploient n’en est pas, soit qu’ils veulent l’employer là où elle ne devrait pas l’être.

La Terre verte n’a aucun corps (ce qui est à mon sens sa plus grande qualité) et est peu colorante (mais donne des verts froids très distingués quand elle est mélangée aux blancs). Alors pourquoi cette célébrité de longue date ? Tout simplement parce que ce pigment est remarquable quand il est utilisé en détrempe. C’est d’ailleurs comme çà qu’il a toujours été utilisé. Il est excellent pour la peinture « a fresco », pour la peinture à la colle, pour la tempera, pour l’aquarelle, pour le pastel (je ne sais pas pour l’acrylique car je n’en ai aucune expérience). Bref, tous les dessous, verdacci et autres imprimature à la Terre verte, se sont presque toujours faits en détrempe, et sur ce point elle est imbattable.

La terre verte broyée à l’huile ne rend de grands services que pour l’imprimatura et le glacis, notamment pour glacer les ombrés des carnations (comme chez la « Fille au chapeau rouge » de Vermeer) ou, mêlée de blanc, pour les velature très froides. Son emploi, à l’huile, pour marquer les dessous est malaisé à mettre en oeuvre (excepté pour la Terre de Bohême) et nécessite l’emploi de siccatif car c’est un pigment très paresseux.

De toutes façons on sait depuis longtemps que l’union de la Terre verte avec l’huile est un peu un mariage contre nature. Elle demande beaucoup d’huile au broyage et se tient mal en tubes. La meilleure façon de l’employer à l’huile est de la broyer à la demande avec un liant résineux, et de limiter son emploi aux glacis et à l’imprimatura.

On peut fabriquer un Ton de Terre verte de qualité, à l’huile, en broyant du vert oxyde de chrome avec de la craie. Il faut savoir que la Terre verte n’est quasiment plus broyée industriellement. Mis à part quelques rares fabricants puristes, les terres vertes vendues en tube sont la plupart du temps de savants mélanges de vert oxyde de chrome avec divers autres pigments refroidissants ou réchauffants, le tout très allongé d’alumine ou de silice colloïdale et d’huile. Ces peintures ne sont que des « Tons Terre verte », ce qui n’est quasiment jamais mentionné sur les tubes.

Cet article fait suite à une récente communication sur l’usage de la Terre verte auprès d’artistes Siennois et Pisans.

José Colombé

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