Les ferments de la technique mixte (Villanov’art)

Article initialement publié le 20 janvier 2008 sur le site disparu Villanov’art

Guariento d'Arpo, Un ange, tempera sur bois, 1354, Museo civico di Padua.
Guariento d’Arpo, Un ange, tempera sur bois, 1354, Museo civico di Padua.

 

Nous avons vu précédemment que les peintres à tempera avaient pour habitude de vernir leurs tableaux avec du vernice liquida pour les protéger de l’humidité. Ce vernice, préparé généralement avec de la résine sandarac, ou très exceptionnellement avec du copal, était de couleur brun rougeâtre et très visqueux. On ne pouvait l’étendre qu’au soleil ou en atmosphère chaude avec la paume de la main, et il ne séchait que dans ces mêmes conditions de température.

La couleur sombre du vernis final avait depuis longtemps amené les peintres à tempera à peindre quelques tons en dessous pour obtenir un résultat final équilibré (nous reparlerons de cette pratique dans un article ultérieur sur les glacis). Les peintres étaient si habitués à cette teinte rougeâtre que dans certains ateliers, où pour des oeuvres mineures on faisait l’économie du vernice en badigeonnant simplement les tableaux avec du blanc d’oeuf battu, on y ajoutait une pointe de vermillon pour le colorer*.

Ce vernice liquida se comportait donc comme un glacis brun et les dessous étaient exécutés en conséquence. Nous en restâmes à ce procédé pendant très longtemps jusqu’à ce que quelques peintres adjoignent de l’huile crue au vernice pour le fluidifier, rendant d’une part son application au pinceau possible et l’éclaircissant grandement d’autre part.

Il apparut rapidement que l’éclaircissement et la nouvelle relative fluidité du vernice amélioré, pourrait transformer ce « glacis », brun à l’origine, en glacis coloré, tout simplement en broyant des pigments avec le vernice allongé, et les premiers pas furent franchis, comme nous l’avons vu, dès la seconde moitié du XIVème siècle. L’usage des vernis colorés, ou glacis, qui avivaient les couleurs et imperméabilisaient les oeuvres, se généralisa.

On savait bien sûr depuis longtemps broyer les pigments dans le vernice liquida, ou tout simplement dans l’huile de lin siccativée à la litharge, pour obtenir une peinture à l’huile épaisse, mais cette fois-ci on pouvait l’étendre avec de fins pinceaux de soies de porc et une voie révolutionnaire était ouverte.

Cette chronologie de l’amélioration des matériaux et des pratiques est très importante pour bien comprendre ce dont disposaient les Frères van Eyck et Robert Campin (j’insiste sur sa présence) quand ils franchirent un autre pas vers 1400, et élaborèrent le « nouveau procédé de la peinture à l’huile » dit procédé flamand. Nous verrons dans un article ultérieur que tempera et peinture à l’huile moderne furent encore longtemps associées.

* L’usage de la coloration des vernis isolants ou d’encollage a perduré longtemps dans les jus de caséïne ou les fixateurs utilisés pour imperméabiliser les légers dessous à tempera par exemple. On peut clairement le voir sur le tableau inachevé de Santa Barbara par Jan van Eyck, le dessin à la plume est encore partiellement recouvert d’un jus imperméabilisant coloré au vermillon. La pratique fut courante longtemps et a débouché sur les colorations bistrées ou rougeâtres de certains fonds italiens de la Renaissance.

L’histoire des techniques picturales est constamment émaillée de pratiques conservatrices et innovantes de ce type.

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