La térébenthine de Venise, baume du mélèze (Villanov’art)

Article initialement publié le 31 janvier 2008 sur le site disparu Villanov’art

Evelyn de Morgan, (1850-1919), Eos, huile sur toile, 1895, Columbia Museum of Art, South Carolina.
Evelyn de Morgan, (1850-1919), Eos, huile sur toile, 1895, Columbia Museum of Art, South Carolina.

La térébenthine de Venise est la résine brute du mélèze (Larix decidua), un conifère qui a la particularité de perdre ses aiguilles en hiver. Bien connue et utilisée depuis l’époque médiévale, elle tomba en désuétude au XXème siècle, balayée, comme beaucoup d’autres matériaux, par l’immense imposture de l' »art moderne », jusqu’à ce que Xavier de Langlais la replace à son juste rang dans son ouvrage La technique de la peinture à l’huile *. Elle ne tire pas son nom de son origine géographique mais des marchands vénitiens qui la commercialisaient à la Renaissance. Les apothicaires la connaissaient comme le bijon de mélèze.

La térébenthine de Venise fraîche est légèrement ambrée et a la consistance du jeune miel, puis elle se solidifie en une sorte de glue épaisse de couleur jaune verdâtre. Elle doit être conservée dans des flacons bien bouchés et bien remplis pour éviter le plus possible le contact avec l’air. Avant de l’utiliser, on doit la liquéfier par exposition au soleil ou la chauffer légèrement au bain-Marie.

Elle entre dans la composition de media, généralement en association avec les huiles cuites et les résines dures comme le copal et les gommes dammar et mastic (cf. l’article « le medium »). Elle donne de grandes facilités de modelés, de reprises et de glacis dans le frais, et limite aussi beaucoup l’embus. La pâte allongée de térébenthine de Venise présente un aspect émaillé et lumineux très caractéristique. Elle est quasi incontournable pour préparer les vernis à enshuilage et les apprêts blancs « a fresco » des Pre-Raphaëlites.

Les seuls défauts que l’on pourrait lui reprocher sont une certaine paresse de séchage et la nécessité de travailler sur des fonds lisses. Sur fonds grenus la pâte prend un aspect louche peu agréable.

Jusqu’au XVIIème siècle on l’utilisa souvent comme vernis définitif, par coupage avec de l’essence de térébenthine, et on la distillait aussi.

Les baumes aux caractéristiques les plus proches de la térébenthine de Venise sont la térébenthine de Strasbourg (résine du sapin pectiné), lebaume du Canada et la résine élémi.

Attention ! Pour réduire son coût, la térébenthine de Venise vendue par beaucoup de fabricants de matériel pour artistes est sophistiquée par coupage avec de la résine de pin et de l’essence de térébenthine. Dans ce cas, le produit en flacon, prend une nette teinte brunâtre avec le temps, dûe au vieillissement de la résine de pin ; il est également beaucoup plus fluide que le baume authentique.

* La technique de la peinture à l’huile, Flammarion 1988, première édition : 1959.

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